QI et bonheur

Philippe Gouillou - 19 avril 2019 - MàJ : 23 novembre 2023 -https://douance.org/qi/qi-bonheur.html
Le bonheur ne dépend pas de son QI réel mais de celui qu'on s'imagine et de celui moyen du pays où on vit.

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Wikipedia : QI moyen calculé et/ou estimé par Richard Lynn dans IQ and Global Inequality.

"L'intelligence, c'est le seul outil qui permet à l'homme de mesurer l'étendue de son malheur."
Pierre Desproges

"ces résultats signifient que l'intelligence de tous paie plus que le fait d'être plus intelligent que les autres."
Veenhoven & Choi (2012)

Veenhoven & Choi (2012) ont trouvé à partir de de la revue de 23 études et d'une nouvelle étude sur 143 pays que le QI individuel réel ne prédit pas le niveau de bonheur mais que le QI moyen du pays y est corrélé à +0,60, avec de fortes différences régionales.

Niveau individuel

Veenhoven & Choi (2012) reprennent la définition usuelle du bonheur (ou satisfaction de vie) comme "le plaisir subjectif de la vie dans son ensemble"1. Ils remarquent qu'il n'y a pas d'accord sur les liens entre intelligence et bonheur : tous ne croient pas qu'ils aient un lien, et parmi ceux qui le croient certains y voient un lien positif tandis que d'autres un lien négatif, et cela pour les deux sens de causalité...

Leur analyse de 23 études (total de 15 827 personnes sur 10 pays) trouve qu'il n'y a pas de corrélation QI réel - Bonheur, même entre les Haut QI et les Très Haut QI (VHIQ) mais qu'il y en a une positive entre l'intelligence qu'on se croit et le bonheur :

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Niveau des pays

Veenhoven & Choi (2012) ont croisé les études sur 192 pays de Lynn & Vanhanen (2002, 2006)2 et la World Database of Happiness de Veenhoven (2010a-d) ce qui a permis l'étude de 143 pays, soit 95% de la population mondiale.

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Le nuage de points des QI moyens montre une forme de raquette de ping pong (avec un manche très large) : sur le global il y a bien une forte corrélation, mais si on enlève les pays à QI inférieur à 80 (le groupe en bas à gauche), il ne semble plus y avoir de lien :

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Ce type de corrélation qui dépend entièrement d'une fraction de la population n'inspire généralement pas confiance et pourrait même faire penser au Paradoxe de Simpson où le sens d'une corrélation dépend entièrement du niveau d'observation3. Mais non : ici il n'y a pas de paradoxe, les analyses plus détaillées confirment la corrélation en l'affinant.

Tout d'abord, les auteurs ont validé que les différences de bonheur ne s'expliquent pas par le niveau économique puisque la corrélation bonheur - pouvoir d'achat n'est que de 0,35, soit à peine plus de la moitié de celle globale. Cette corrélation est cependant beaucoup plus forte pour les pays pauvres (0,52) que pour les pays riches (0,17).

Les auteurs remarquent que la notion de satisfaction de vie est très variable selon les cultures : certaines sont plus individualistes que d'autres, par exemple. Aussi ils ont recalculé les corrélations par région :

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Seules deux régions ne montrent pas de corrélation : l'Afrique et l'Europe de l'Est. Pour l'expliquer les auteurs remarquent :

5.3 Pourquoi n'y a-t-il pas de corrélation plus forte entre les pays développés ?
Si l'intelligence est plus fonctionnelle dans les sociétés développées, on pourrait s'attendre à ce que la corrélation entre le QI moyen et le bonheur soit plus forte dans les pays les plus développés que dans les pays les moins développés. Le tableau 3 fournit un appui mitigé à cette prédiction. La corrélation entre le QI moyen et le bonheur moyen est en effet la plus faible parmi les pays africains les moins développés. Pourtant, parmi toutes les nations pauvres réunies, la corrélation est plus élevée que parmi les nations riches.
C'est peut-être une coïncidence historique. Toutes les nations qui se trouvent dans la partie droite du programme sont des nations développées dotées de systèmes scolaires solides qui produisent une population intelligente. Pourtant, dans certains de ces pays, le niveau de bonheur est inférieur à ce qui caractérise les pays développés. Dans les pays d'Europe de l'Est, le bonheur est temporairement déprimé par l'héritage du communisme et la transformation rapide de la société depuis 1990. Le bonheur s'améliore dans ces pays (Baltatescu, 2006), mais cela ne se reflète pas encore dans les scores utilisés ici, qui s'appuient sur des enquêtes réalisées entre 2000 et 2009. Le bonheur moyen est également relativement faible chez les "tigres" asiatiques, ce qui peut également être dû à des transitions sociales, parmi lesquelles le passage du collectivisme traditionnel à l'individualisme moderne (Stam et Veenhoven, 2007). Si c'est le cas, la corrélation entre le QI moyen et le bonheur se renforcera dans cette partie du monde dans les années à venir.
Veenhoven & Choi (2012)4

Remarques

Cette méta-étude permet de quantifier ce qui est assez connu comme le montre le sens des migrations : quel que soit son propre QI il vaut mieux vivre dans un pays à QI moyen élevé.

Elle répond aussi à la question des liens au niveau individuel entre QI et bonheur. On peut noter que la non-corrélation entre les bonheurs des Haut QI et Très Haut QI semble indiquer que ce n'est pas l'écart à la moyenne qui importe5.

Et bien sûr elle offre LA solution : se croire plus intelligent qu'on ne l'est.

Traduction de l'Abstract

"Nous investissons beaucoup dans la maximisation de l'intelligence et nous devenons toujours plus intelligents : Mais est-ce que cela nous rend plus heureux ? La relation entre l'intelligence et le bonheur est explorée à deux niveaux, au niveau micro des individus et au niveau macro des nations. Au niveau micro, nous avons examiné les résultats de 23 études et n'avons trouvé aucune corrélation entre le QI et le bonheur. Au niveau macro, nous avons évalué la corrélation entre le QI moyen et le bonheur moyen dans 143 pays et avons constaté une relation positive forte. Ensemble, ces résultats signifient que l'intelligence de tous paie plus que le fait d'être plus intelligent que les autres."
Veenhoven & Choi (2012)6

Références

Lynn, R.J., & Vanhanen, T. (2002). IQ and the Wealth of Nations. Praeger Publishers.

Lynn, R.J., & Vanhanen, T. (2006). IQ and Global Inequality. Summit Publishers, Washington.

Veenhoven, R. (2010a) 'Measures of happiness', World Database of Happiness, Erasmus University Rotterdam.

Veenhoven, R. (2010b) 'Average happiness in 146 nations 2000–2009', World Database of Happiness, Erasmus University Rotterdam.

Veenhoven, R. (2010c) 'Correlational findings on happiness', World Database of Happiness, Erasmus University Rotterdam.

Veenhoven, R. (2010d) 'States of nations: dataset for the cross-national analysis of happiness', World Database of Happiness, Erasmus University Rotterdam.

Veenhoven, R., & Choi, Y. (2012). Does intelligence boost happiness? Smartness of all pays more than being smarter than others. Int. J. Happiness and Development, 1(1), 5–27.

Liens

Images

  • Carte : Wikipedia : QI moyen calculé et/ou estimé par Richard Lynn dans IQ and Global Inequality.
  • Autres images : Veenhoven & Choi (2012)

Historique des modifications

Date Historique
23 novembre 2023 Orthographe
19 avril 2019 1ère Mise en ligne

Notes


  1. Traduction depuis :

    Happiness is defined as the ‘subjective enjoyment of one’s life-as-a-whole’ and is also called ‘life-satisfaction’.

  2. Voir page dédiée sur ce site Douance : IQ and the Wealth of Nations de Lynn et Vanhanen (2002) 

  3. Par exemple sur ce graphique (extrait de Wikipedia), les courbes bleue et rouge décrivent toutes deux une forte corrélation positive, mais l'ensemble des deux montre une corrélation négative (courbe en tirets) :
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  4. Traduction depuis :

    5.3 Why no stronger correlation among developed nations?
    If intelligence is more functional in developed society, one would expect that the correlation between average IQ and happiness is stronger among the most developed nations than among the least developed nations. Table 3 provides mixed support for this prediction. The correlation between average IQ and average happiness is indeed lowest among the least developed African nations. Yet among all the poor nations together, the correlation is higher than among the rich nations.
    Possibly, this is a historical coincidence. All the nations at the right part of the scheme are developed nations with strong schooling systems that produce an intelligent populace. Yet in some of these countries the level of happiness is lower than characteristic for developed nations. In the East-European nations, happiness is temporarily depressed by the legacy of communism and the rapid transformation since 1990. Happiness is picking up in these countries (Baltatescu, 2006), but that does not yet reflect the scores used here, which draw on surveys between 2000 and 2009. Average happiness is also relatively low in Asian ‘Tiger’ nations and this pattern may also be due to social transitions, among which the change from traditional collectivism to modern individualism (Stam and Veenhoven, 2007). If so, the correlation between average IQ and happiness will get stronger in this part of the world in the years coming.
    Veenhoven & Choi (2012)

  5. En règle générale, il est mieux d'être entre +1 et +2 écart-types sur un critère positif : être grand est positif mais être "trop" grand pose des problèmes concrets, etc. Cette étude ne donne pas la comparaison entre ceux dans cette tranche (soit entre 115 et 130) et les autres, mais remarque qu'il n'y a pas de différence entre ceux à Haut QI et ceux à Très Haut QI. 

  6. Traduction depuis :

    We invest much in maximising intelligence and we get ever smarter: But does this make us any happier? The relation between intelligence and happiness is explored on two levels, at the micro-level of individuals and at the macro-level of nations. At the micro-level, we looked at the results of 23 studies and found no correlation between IQ and happiness. At the macro-level, we assessed the correlation between average IQ and average happiness in 143 nations and found a strong positive relationship. Together these findings mean that smartness of all pays more than being smarter than others.
    Veenhoven & Choi (2012)